Murin de Daubenton © Laurent Arthur
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Enjeux écologiques et spirituels
Dieu dit : Que la terre produise des animaux vivants selon leur espèce, du bétail, des reptiles et des animaux terrestres, selon leur espèce. Et cela fut ainsi. Dieu fit les animaux de la terre selon leur espèce, le bétail selon son espèce, et tous les reptiles de la terre selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon. Genèse 1, 24-25
Chaque territoire a une responsabilité dans la sauvegarde [des créatures] et devrait donc faire un inventaire détaillé des espèces qu’il héberge, afin de développer des programmes et des stratégies de protection, en préservant avec un soin particulier les espèces en voie d’extinction. Laudato Si §42
La France compte 34 espèces de chauves-souris. Ce sont des animaux étonnants qui volent avec leurs mains et s’orientent grâce à leurs oreilles ! Longtemps considérées comme maudites, elles ont été persécutées et entourées des pires croyances. Leur déclin, lié notamment aux pesticides, à l’urbanisation et à la perte de leur habitat a été démontré et elles sont aujourd’hui toutes protégées et étudiées. Pourquoi protéger ces animaux ? Quel rôle peuvent jouer les communautés chrétiennes ?
La présence de chauves-souris est attestée dans de nombreux édifices religieux. La rénovation de ces derniers les rend souvent inaccessibles. Préserver un accès à certaines parties de nos éléments bâtis revêt une grande importance pour leur protection. L’Église a une responsabilité particulière face à ces animaux.
À savoir
Qui sont les chauves-souris ?
Les Chiroptères, appelés couramment chauves-souris sont un ordre de mammifères.
Pipistrelles, Murins, Rhinolophes sont quelques-uns des noms donnés aux 34 espèces recensées en France.
Toutes insectivores, elles chassent la nuit. La pipistrelle commune peut manger l’équivalent de 600 moustiques en une nuit. En journée, elles trouvent repos dans un interstice, un arbre creux ou un grenier.
Entre le mois de novembre et le printemps, elles hibernent, trouvant place dans un gîte hors gel, frais et humide comme les caves et les grottes.
Des hôtes discrets et sympathiques
La plus grosse chauve-souris française peut atteindre 60 grammes. Équipées d’une sorte de sonar, elles sont d’agiles chasseuses ! Elles émettent des ultrasons par la gueule ou le nez et les réceptionnent grâce à leurs oreilles.
Les chauves-souris européennes ne sont pas vectrices de virus dangereux si on ne les manipule pas. Rarement porteuses de la rage (environ un cas recensé par année), elles n’attaquent jamais d’animaux à sang chaud sous nos latitudes. Afin de ne pas les déranger, il est important de ne pas les toucher (interdit par arrêté du 17 avril 1981).
Certaines vivent dans des fissures. On peut construire des gîtes pour elles.
D’autres vivent en colonies. Elles ont besoin de grandes pièces protégées, tels des combles d’églises car ce sont les seuls endroits adaptés à leurs besoins. Ce sont ces chauves-souris qui sont actuellement les plus menacées et ont besoin de nous !
A la fin du printemps, chaque femelle gestante donne naissance à un petit (parfois deux).
Si elles élisent domicile chez vous, soyez rassuré : elles ne rongent pas les matériaux et ne modifient pas les lieux (elles ne construisent pas de nid). Leurs crottes, appelées guano sont constituées de débris d’insectes et ne tachent pas.
Pourquoi les protéger ?
Outre le désir de protéger ces animaux par amour pour la Création, plusieurs enjeux sont présents.
L’utilisation massive des insecticides a perturbé la chaîne alimentaire : raréfaction de certains insectes, accumulation de polluants en bout de chaîne. Les éoliennes, les voitures et les chats en tuent. La dégradation des milieux naturels a également renforcé leur dépendance au bâti pour tout ou partie de leur cycle de vie. Les bâtiments étant de mieux en mieux calfeutrés, les chauves-souris ne peuvent plus y pénétrer et manquent de logis pour s’abriter et se reproduire. De plus, les femelles ne se reproduisent pas chaque année. Le taux de fécondité étant bas, les populations de chauves-souris sont très longues à se régénérer.
Alors que 19 espèces sont menacées en France et 13 espèces sont présentes sur la liste rouge mondiale des espèces menacées de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), les églises ont une responsabilité particulière car ce sont souvent les seuls endroits où l’on trouve encore des combles inutilisés adaptés aux besoins des espèces vivant en colonie (les plus menacées). Ce sont notamment les derniers bastions du Grand et du Petit Rhinolophe, des Grands murins et des Oreillards.
Notre Église peut agir !
J’ai trouvé une chauve-souris : que faire ?
SOS chauves-souris (Plan National d’Actions Chiroptères)
Les découvrir
Fin août, chaque année, des manifestations sont organisées à l’occasion de la Nuit Internationale de la chauve-souris. Il y en a forcément une près de chez vous ! Il est peut être possible de proposer de s’y joindre en groupe paroissial.
Inspecter
Des chauves-souris logent-elles sous nos toits, nos clochers ou dans nos caves ?
En hiver, il est possible d’inspecter visuellement la moindre anfractuosité (fissure, disjointement entre les pierres) ou les voûtes pour voir si des chiroptères y hibernent. Ces opérations doivent être menées dans le calme et il ne faut surtout pas les toucher, au risque de les sortir de leur léthargie ce qui risque de les condamner à mort. A la belle saison, une observation discrète de ces mêmes lieux permet de déterminer si les femelles ont choisi cet endroit pour y mettre bas.
En l’absence d’observation directe, il est possible de chercher d’autres indices de leur présence : si des déjections (ressemblent à des grains de riz noirs qui s’effritent entre les doigts) jonchent le sol, il est possible de déterminer s’il s’agit de guano de chauves-souris. Pensez à la récupérer, il constitue un engrais de choix pour votre potager. Il est possible d’installer une bâche sous les colonies facilitant l’évacuation hors période de reproduction.
Le Groupe Chiroptères National recense un réseau de chiroptères organisé en région. N’hésitez pas à les solliciter. Si vous hébergez une colonie, il est indispensable de le leur signaler.
Retourner les pots
Nos églises sont souvent fleuries. Pensez bien à retourner les pots ou les vases une fois qu’ils sont vides. Ils représentent un piège mortel pour les chauves-souris. Celles-ci se retrouvent coincées dedans sans possibilité de remonter et de prendre leur envol. Prise au piège, l’animal appelle pour demander de l’aide. Les autres sont attirées par ses cris et finissent par tomber eux aussi dans ce piège. Cela peut aboutir à la mort de plusieurs animaux.
Ouvrir l’accès aux combles et aux caves
Certaines églises ont été rendues hermétiques aux pigeons. La pose de grillages interdit généralement l’accès aux chiroptères. L’aménagement d’un ou plusieurs trous large de 40cm et haut de 6 cm constitue un passage idéal pour les chauves-souris et infranchissable pour les pigeons. Il est possible d’ouvrir cet orifice en haut d’une porte ou d’une fenêtre afin de permettre le retour d’individus.
Proposer de petits aménagements
L’opération Refuge pour les chauves-souris est une campagne de conservation des gîtes de chauves-souris dans le bâti et les jardins menée par la Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères (SFEPM) avec l’appui en région des associations locales ou des groupes chiroptères existants. Cette opération repose sur la signature d’une convention entre les parties prenantes. Les églises et tous les bâtiments et jardins des paroisses de France peuvent rejoindre cette opération de protection participative, qu’il y ait des chauves-souris ou non. Des plans de construction de petits gîtes sont notamment disponibles.
La cohabitation entre des chouettes (effraies par exemple) et les chauves-souris est quasiment impossible sans aménagement. Une simple caisse séparant les deux espèces rend possible l’habitat sous un même toit. Comme pour le reste des thématiques abordées dans cette fiche, n’hésitez pas à faire appel à l’expertise des chiroptérologues locaux.
Allons plus loin
Investir le jardin
Il est possible d’offrir le gîte et le couvert aux chauves-souris dans les espaces verts de la communauté. La fiche Église verte “La biodiversité toute proche” fournit de nombreux exemples d’actions à développer pour faire de nos terrains des oasis de vie.
Il est également possible de construire et d’installer des gîtes à pipistrelles. Ces derniers permettront aux chiroptères d’hiberner ou de se reproduire. De nombreux modèles peuvent être achetés. Le web regorge de plans de gîtes à chauves-souris qu’il est possible de construire soi-même (les jeunes paroissiens seront certainement très heureux de mettre la main à la pâte !). Une fois construit, il devra être fixé à au moins 2 ou 3m du sol tel que décrit ici.)
Cessons d’illuminer les églises
Quand les chauves-souris sortent, il faut qu’il fasse nuit. Si les églises sont illuminées durant l’été, les chauves-souris sortent trop tard, trouvent moins d’insectes, ce qui a des effets négatifs sur la production de lait maternel et la croissance des petits. Des compromis sont envisageables : éviter d’éclairer les accès fréquentés par les chauves-souris, laisser une façade non illuminée ou éclairer le bâtiment dans la couleur la plus chaude possible. Les chiroptérologues seront de bon conseil.
Des travaux en vue ?
Afin de laisser toutes leurs chances aux chiroptères, il est obligatoire (tel que défini dans la loi de 2016) de prendre en considération leurs besoins lors de travaux. Par arrêté de 2007, il est notamment interdit de perturber les sites de reproduction de ces mammifères. L’article 3 de cet arrêté définit des possibilités de dérogation. A ce stade, il est recommandé de prendre contact avec un groupe Chiroptères local.
Les rénovations seront réalisées uniquement en l’absence des chauves-souris : définir la période d’intervention la moins sensible (entre le 15 octobre et le 15 mars s’il s’agit d’un site de reproduction, à la belle saison si c’est un lieu d’hibernation) et définir les anfractuosités à conserver pour accueillir les chauves-souris ainsi qu’un accès adéquat.
Il est nécessaire d’utiliser des produits non toxiques pour le traitement des charpentes.
Ces protocoles sont détaillés dans le document du PNR du Verdon cité ci-dessus. Le guide technique du PNR des Caps et Marais d’Opale propose également plusieurs types d’aménagements dont certains sont très abordables tels des micro-gîtes faits d’une simple brique.
Ils l’ont fait
À l’abbaye de Noirlac (18)
De petites ouvertures de 6 cm ont été aménagées entre les tuiles du toit. Une colonie d’Oreillards les utilisent pour leurs va et vient et se sont bien établis dans les combles.
Dans la paroisse Notre Dame du Gimontois (32)…
…labellisée Église verte depuis 2019, les chauve-souris ont été invitées à s’installer autour de la maison paroissiale. Le diacre de la paroisse, abritant lui-même une colonie de chauves-souris derrière les volets de son logement, a lancé cette idée auprès de la communauté. Ainsi, il a construit des habitats à chiroptères qui ont été présentés aux paroissiens puis installés à 3m du sol aux alentours de la maison paroissiale. L’initiative ayant plu, certains paroissiens sont même repartis avec les plans de fabrication de gîtes afin d’en installer à proximité de leur logement.
L’initiative de cette paroisse vous plaît ? Alors, à vous de jouer ! -> Vous trouverez ici un plan de gîte à chauve souris à fabriquer soi-même.
En Suisse
En Suisse, l’organisation œco Églises pour l’environnement s’efforce de sensibiliser les églises à la protection des chauves-souris. Le label Coq vert aide les paroisses à améliorer leurs performances environnementales. Indépendamment de ce label, de nombreuses églises s’engagent pour la protection des chauves-souris. Des partenariats fructueux entre des organisations de protection de chauve-souris et les paroisses permettent de surveiller et de protéger les colonies de chauve-souris qui se sont installées dans des églises.
Merci à nos contributeurs !
Jean-François JULIEN (Centre d’Écologie et des Sciences de la Conservation, Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris), Laurent ARTHUR (Chauve qui peut), Claudia BAUMBERGER (OECO), Coline RAILLON et Timothée SCHWARTZ (A ROCHA), Dominique PAIN (SFEPM).
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