Église verte

Tous les deux ans, les protestants allemands vivent un grand rassemblement avec cultes, célébrations œcuméniques, village d’initiatives (quelques centaines d’organisations qui tiennent leur stand au palais des congrès), ateliers, concerts, conférences et débats (avec de nombreux invités du monde politique, ministres, élus locaux et nationaux, même le chancelier et le président y sont)… Toute la ville accueillant le rassemblement vit pendant 5 jours au rythme du Kirchentag et plusieurs dizaines de milliers de personnes y participent, de façon très fidèle. Il s’agit d’un rassemblement organisé par des laïcs, l’EKD (Evangelische Kirche in Deutschland, Église protestante en Allemagne) et ses 21 Landeskirchen (Églises régionales) y étant associées.

Cette 39ème édition a eu lieu à Nuremberg, en Bavière du nord (Franconie), du mercredi 7 au dimanche 11 juin. Une délégation française, menée par Anne-Laure Danet de la Fédération Protestante de France, s’y est rendue. Elle était composée majoritairement de représentants de l’UEPAL (Union des Églises Protestantes d’Alsace et de Lorraine), habituée du Kirchentag ; ainsi que de représentantes de l’EPUdF (Église protestante unie de France) ; d’aumôniers protestants aux armées, invités par leurs homologues de l’armée allemande ; de la directrice des programmes du Foyer le Pont (centre de rencontre des églises protestantes d’Europe à Paris, labellisé Église verte) et d’autres personnes du domaine du Lazaret à Sète, pour représenter les maisons protestantes en France et de moi-même pour représenter le label Église verte.

Sur notre stand, en plus de discuter librement, les passants pouvaient jouer à notre jeu des plantes bibliques (texte à trous avec des versets bibliques dans lesquels il fallait placer la bonne plante) : les cinq choisies étaient celles des niveaux du label.

Nous avions également un jeu commun avec des questions sur les membres de la délégation (les questions portant sur Église verte sont à retrouver en bas de l’article, si jamais vous souhaitez les réutiliser pour vos stands – les versets bibliques et les dessins des plantes sont ). Ecrivez-nous si vous souhaitez emprunter le jeu, nous l’avons à Paris (merci à Corinne de l’EPUdF pour la réalisation pratique !).

 

Nous avons profité de notre présence au « Markt der Möglichkeiten » (marché des possibles) pour aller à la rencontre d’initiatives allemandes et étrangères -nous étions dans la section internationale, nous avons découvert de nombreuses choses dont nous pouvons nous inspirer :

L’initiative œcuménique allemande « Nachhaltig predigen », lancée par quelques pasteurs il y a plus de 15 ans suite à des interpellations de la part de leurs collègues « La Bible ne parle pas d’économie d’énergie et d’autres thèmes écologiques actuels, comment faire pour parler de ces sujets lors d’un culte ? ». Une soixantaine de contributeurs alimente le site Internet avec une exégèse des textes luthériens et catholiques pour chaque dimanche et fête de l’année, en expliquant les liens que l’on peut tisser avec la sauvegarde de la Création. Depuis 2018, le site a été traduit en anglais avec l’aide, notamment financière, du diocèse d’Europe de l’Église d’Angleterre (anglicane) et de l’UE. L’équipe de Nachhaltig predigen serait tout à fait prête à lancer la traduction en français, il suffit simplement de trouver le partenaire, avis aux intéressés !

 

Christians 4 Future, une émanation du mouvement « Fridays for Future » (plus connu sous le nom de « Youth for Climate » en France), les grèves scolaires du vendredi pour le climat (lancées par la suédoise Greta Thunberg en 2018). En Allemagne, ce mouvement a été plus conséquent qu’en France et a donné naissance à d’autres (parents, grands-parents, étudiants et chrétiens pour l’avenir). Christians 4 Future tenait un stand aux côtés de la branche « foi » du mouvement de désobéissance civile écologique Extinction Rebellion (et de GreenFaith, qui également présent en France).

 

 

Ces « chrétiens pour l’avenir », en plus de participer aux marches pour le climat, à des actions dans l’espace public type « chaîne humaine » en tant que chrétiens, d’organiser des marches méditatives etc, ont adressé une série de demandes concernant la prise en compte de la crise climatique aux diocèses et églises régionales. Ces demandes incluent tant d’élever une voix prophétique sur ces sujets que de mettre les actions des églises en cohérence avec l’Accord de Paris (par exemple la neutralité carbone avant 2045), ainsi que de traiter pastoralement et théologiquement ces sujets. Certains des engagements ressemblaient fort à ceux adoptés par l’Église protestante unie lors de son synode de 2021. Les différents groupes locaux de Christians 4 Future poursuivent la discussion avec les différents diocèses et églises régionales, dont certains se sont déjà engagés à atteindre la neutralité carbone.

Aktion Kirche und Tiere (Église & Animaux) était présente juste à côté. Cette association a également produit un texte avec une série de demandes concernant la prise en compte des animaux et notamment d’élevage, adressé à l’EKD et aux Landeskirchen. Ce réseau porte diverses initiatives dans l’ensemble de l’Allemagne.

Ökumenisches Netzwerk Klimagerechtigkeit, le réseau œcuménique pour la justice climatique est un regroupement d’institutions d’Églises (paroisses, mouvements, œuvres), qui souhaite renforcer l’engagement ecclésial pour la justice climatique. Le réseau porte des campagnes (la prochaine porte sur la sobriété, « Suffizienz » en allemand), organise les échanges entre ses membres, met à disposition des ressources, coordonne le réseau des Churches 4 future (90 paroisses en font partie)…

Le réseau des référents environnement des églises régionales (Arbeitsgemeinschaft der Umweltbeauftragten). Ces églises varient en taille (de 50 000 à 2 millions de membres enregistrés – les allemands paient un impôt pour financer l’église à laquelle ils appartiennent et les statistiques sont donc faciles à établir), mais chacune a au moins un référent salarié à temps plein. Pour les plus grosses, elles peuvent en avoir jusqu’à 10, avec une personne spécialisée par thématique environnementale – énergie, biodiversité, déchets etc. Certains de ces postes sont financés par les pouvoirs publics pour une durée de 2 à 5 ans, afin d’accompagner les efforts écologiques des Églises (la séparation de l’Église et de l’État est fort différente en Allemagne).

Ceux que nous avons rencontrés nous ont parlé de certains de leurs champs d’action : accompagner l’installation de panneaux solaires sur les toits des églises ou maisons paroissiales, aider à l’installation de capteurs de température et d’humidité pour piloter le chauffage à distance et ajuster sa consommation… Nous avons découvert les coussins chauffants, solution trouvée par certaines églises qui ont décidé de baisser le chauffage ou de le couper cet hiver, afin de garantir le confort thermique durant les cultes. Quant au Temps pour la Création, il est vécu de façon hétérogène à travers le pays, car certaines paroisses sont déjà engagées dans le « Klimafasten », jeûne pour le climat, une campagne de Carême durant laquelle on jeûne d’une action néfaste pour le climat.

Nous avons demandé quels blocages ils rencontraient dans leur travail et les réticences idéologiques n’ont pas été évoquées : les paroisses n’ayant pas d’action environnementale spécifique ne considèrent pas que ça n’est pas un thème important/pas à l’église de s’occuper de ça/c’est « du monde » etc. Les deux excuses qui reviennent sont le manque de temps et d’argent. Les référents étaient désireux de partager des outils avec nous, puisqu’une fois qu’ils sont créés, ils peuvent être utilisés par n’importe qui ! Mais effectivement, la barrière de la langue joue : les relations internationales des Allemands se font plus naturellement avec leurs voisins germanophones.

 

Le label Coq Vert (Grüner Hahn dans le nord, Grüner Gockel dans le sud de l’Allemagne, Grüner Güggel en Suisse), une certification de management environnemental pour les Églises (œcuménique). Ce label s’appuie sur un cadre européen « EMAS » (Environmental Management and Audit Scheme) et les paroisses doivent mesurer leur consommation d’électricité, de chauffage, d’eau, de papiers, leur production de déchets ainsi que la biodiversité sur leur terrain, puis se fixer des objectifs d’amélioration dans ces domaines.

1 500 paroisses protestantes sont labellisées (nous n’avons pas eu de chiffre pour les catholiques). Pour en savoir plus, voici les démarches de deux paroisses : en vidéo, sur Instagram (en allemand).

 

Die Klimakollekte : une prestation de services pour calculer l’empreinte carbone de sa paroisse, Église régionale, diocèse… sur l’ensemble de ses activités ou sur un rassemblement, puis ensuite compenser ses émissions de gaz à effet de serre, notamment en finançant des projets de production d’énergie renouvelable dans les pays du Sud ou pour financer des fours propres type « rocket stove », permettant aux habitants d’utiliser moins de bois et de respirer un air moins pollué aux particules fines. La plantation d’arbres n’a pas été mentionnée, nous n’en savons pas plus et vous laissons aller regarder leur site (pour en savoir plus sur les fortes contradictions et limites de la compensation carbone à base de plantation d’arbres, vous pouvez consulter le travail du CCFD-Terre solidaire).

Du côté international, nous étions à côté du Conseil Œcuménique des Églises (rassemblant Églises protestantes et orthodoxes au niveau mondial), dont l’Assemblée de septembre 2022 a fait une grande part à la question écologique, avec des engagements forts pris à son issue. Nous avons pu découvrir leur programme « cooler earth, higher benefits », pour inciter les institutions ecclésiales à investir de façon limiter le réchauffement climatique… et ceci du point de vue des enfants, de leur droit à un avenir vivable (une visioconférence a rassemblé récemment plus de 1000 personnes, avec une intervention du… père Matthieu, curé de la paroisse labellisée de Joigny, alias « le curé de TikTok ».) Retrouvez leur article sur le Kirchentag.

 

 

Nous avons également pu discuter avec l’Église unie du Christ aux États-Unis (United Church of Christ) et découvert avec surprise et joie que cette Église de 900 000 membres était très active sur les sujets écologiques. Elle a créé des ministères pour la justice environnementale au niveau paroissial et d’après la coordinatrice, la légitimité d’agir pour la sauvegarde de la Création en tant que chrétien ne fait absolument pas débat au sein de leur Église, cet engagement est perçu comme cohérent, normal et nécessaire ! Le niveau national de l’Église met à disposition de nombreuses ressources, des aides dans chaque État existent pour financer l’action écologique des églises (principalement les économies d’énergie et la production d’énergie renouvelable). L’Église unie est également engagée dans une coalition d’ONG environnementales pour lutter contre la suppression de certaines lois environnementales fédérales et de certaines prérogatives de l’Environmental Protection Agency (ce qui peut surprendre dans un contexte français, où les Églises font rarement partie de coalitions laïques).

Enfin, concernant le programme même du Kirchentag, on retrouvait de nombreuses conférences et ateliers traitant du sujet. Une veillée de prière était organisée au centre œcuménique St Clemens de Nuremberg par la chaire climat, avec de très belles interventions, correspondant bien au sous-titre de la soirée « des mots clairs pour la crise ». La crise climatique a été évoquée lors de la prière d’intercession du culte d’envoi (presque 30 000 personnes sur la place principale).

L’organisation s’est fixé l’objectif de réduire l’empreinte carbone liée aux transports. La moitié des plats proposés dans les divers points de restauration de la Messe (Palais des Congrès) étaient végétariens/végétaliens et les buvettes utilisaient très majoritairement de la vaisselle réutilisable : en termes de choses visibles (les transports étant une partie très impactante mais invisible), la logistique était tout à fait en accord avec le message écologique véhiculé.

Article rédigé par J. Maupas

Questions V/F sur Église verte – Quiz à jour au 11/06/2023

  1. Plus de 1 000 communautés sont engagées dans la démarche Église verte (Faux, ~830)
  2. Les protestants sont surreprésentés parmi les communautés labellisées (Vrai, 20% des structures labellisées alors que 2% des Français sont liés au protestantisme et 47% au catholicisme)
  3. En proportion, c’est l’UEPAL qui a le plus de paroisses labellisées (faux, EPUdF)
  4. Un pasteur est le président d’Église verte (vrai, Robin Sautter, EPUdF)
  5. Église verte est une initiative qui émane de la FPF, de la CEF et de l’AEOF (vrai)
  6. Pour être labellisé, il faut avoir repeint son église en vert (faux)
  7. Les niveaux du label sont symbolisés par des plantes bibliques (vrai)
  8. 10 communautés ont obtenu le plus haut niveau du label (faux, 1 seule, la Maison Nicodème à Lens)
  9. Certaines structures de la délégation sont labellisées (vrai, EPUdF+UEPAL+Le Pont+Maison du Protestantisme)
  10. Tous les départements de France ont au moins une structure labellisée (faux, manque 8 dpts/100)
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