Nous sommes ravis de vous proposer de lire une synthèse écrite et de revisionner la table ronde de notre cinquième anniversaire, durant laquelle trois des co-fondateurs du label ont partagé une relecture personnelle du travail mené et ont exprimé leurs rêves pour l’avenir.
Merci à toutes les personnes et structures qui ont mis leur cœur et leur énergie pour créer le label et le faire vivre !
Le 4 octobre, à l’occasion du dernier jour du Temps pour la Création, la fête de saint François d’Assise, Église verte organisait une table ronde autour de ses fondateurs et des cinq années pionnières de sa création.
La soirée a été introduite par un mot d’accueil de Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France qui salue la réussite d’Église verte, qui a su en cinq années devenir une référence œcuménique de la conversion écologique. Il a noté l’importance de renouveler notre rapport à la création, de sortir d’un anthropocentrisme étroit, pour être à l’écoute du créé. L’espérance chrétienne ne saurait rester sourde à notre inquiétude devant les bouleversements environnementaux, elle nous inspire dans le nécessaire changement de notre attitude au monde, qui se doit être attentive à la fois à la question écologique et sociale.
Le pasteur Christian Krieger, nouveau président de la FPF, a aussi apporté tous ses encouragements à Église verte. Monseigneur Dimitrios, président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, et le métropolite Emmanuel de Chalcédoine ne pouvant être présents ont envoyé une lettre. Ce message mettait l’accent sur l’importance d’une véritable conversion de l’être humain dans l’engagement écologique. Le chrétien doit changer son rapport au monde pour ”préserver plutôt que détruire” et ”offrir plutôt que consommer”.
Si Église verte compte à ce jour plus de 800 communautés, ses débuts ont été modestes. C’est autour de la volonté de ses fondateurs inspirés par un même idéal qu’a pu se former cette structure œcuménique qui unit, autour d’un même souci pour la création, l’ensemble des chrétiens de France.
I. La naissance d’un projet
Pour Elena Lasida, première présidente du label, Église verte a été le lieu unique d’une fraternité œcuménique, une aventure inattendue au sein de l’Église où s’est ressenti un souffle créateur et une extraordinaire liberté d’esprit et de paroles. C’est aussi la naissance à partir de rien, ou presque, d’une structure qui n’existait pas auparavant. Ce n’est pas la prolongation d’une institution, ni la continuation d’une œuvre connue, mais bien la création, la genèse d’une communauté chrétienne dotée de nouveaux outils nécessaires à la conversion écologique.
Si Église verte fut une expérience magnifique, une création collective qui s’est façonnée dans un esprit de très profonde fraternité et dans un œcuménisme fécond, elle permet aussi la découverte des différences, mais aussi des complémentarités des différentes sensibilités. La participation aux marches pour le climat a été l’occasion d’une nouvelle manière de présenter l’Église au monde, d’impliquer nos communautés au cœur des préoccupations de notre société.
Laura Morosini, première secrétaire générale d’Église verte, évoque son expérience personnelle, son déchirement de ne pas avoir pu avant la naissance du label, unir sa foi chrétienne et ses convictions écologiques. Église verte est en cela un moment d’unification, la rencontre, dans un même élan, de la ferveur de la foi et de l’action pour la création. Il n’a pas toujours été possible d’unir ces deux vocations, et Laura se souvient des nombreuses difficultés rencontrées en France devant l’initiative suisse des paroisses vertes. En France, tout restait encore à faire. Aujourd’hui nous possédons des outils précis, des éco-diagnostics qui nous guident dans la conversion écologique de nos communautés. Laura salue le travail de Chrétiens Unis pour la Terre, qui ont été particulièrement actifs lors de la création du label.
La démarche écologique permet aussi d’ouvrir nos églises sur le monde. Le jardin, le compost sont des espaces qui donnent sur le monde extérieur et convient un public très divers à entrer dans l’Église et à découvrir une dimension de l’existence qu’il ignorait.
Pour Robin Sautter, actuel président, la démarche d’Église verte est une œuvre collective dans laquelle chacun a pu participer à un même projet commun. Ce projet révèle aussi l’étonnante diversité qui existe à l’intérieur même de l’Église, une richesse de prières et de croyances qui trouvent dans Église verte le moyen de s’exprimer. Robin rend hommage à Paul Jeanson et Jean-Pierre Charlemagne d’A Rocha qui ont participé activement à la naissance du label et ont pensé à la manière dont il devait être développé. Mais, ce qui semble être le point essentiel est la primauté donnée à la subsidiarité, au respect des initiatives locales et des communautés, sans que cela ne divise les esprits ou mène au chaos. Église verte est un outil qui en un sens nous échappe et nous dépasse et c’est certainement ce que nous pouvons souhaiter de mieux.
II. Les fruits et les déclinaisons
A l’exemple de l’arbre du psaume planté près des eaux vives Église verte porte de nombreux fruits. Elle compte aujourd’hui six déclinaisons pour mieux répondre à chaque structure.
Les déclinaisons sont, nous rappelle Laura, une réponse à la demande de plusieurs communautés monastiques, d’associations et de congrégations qui ont demandé à avoir, elles aussi, un outil de conversion écologique adapté à leurs besoins.
La paroisse, la communauté des chrétiens est le cœur historique de la démarche, le premier éco-diagnostic. Il semblait alors répondre à la demande de l’Église en son entier. Mais force fut de constater que les solutions proposées ne correspondaient pas aux questionnements de toutes les structures et institutions. Ainsi virent s’ajouter cinq déclinaisons à l’éco-diagnostic initial. Les déclinaisons pour les jeunes (Pollen et Jeunes) ont une importance toute particulière pour Laura, car cette génération vit une situation difficile, marquée par le désespoir que fait naître la crise écologique. Devant l’évolution du monde, il nous faut apprendre à accueillir l’inquiétude légitime des jeunes générations et les aider dans leur rapport à la création.
Robin avoue avoir longtemps été sceptique devant des demandes trop nombreuses, auxquelles il semblait difficile de trouver des réponses concrètes. Mais l’enthousiasme de l’équipe a permis de dépasser ces craintes et l’on peut voir aujourd’hui les fruits de cette collaboration œcuménique.
Équilibre entre rêve et principe de réalité sont les deux axes autour desquels s’est bâtie Église verte, pour Elena Lasida. Les nombreuses déclinaisons qui ont vu le jour sont avant tout une réponse à des appels qui venaient de l’extérieur. Il faut conserver cette ouverture à l’appel, marque propre à Église verte, qui est au cœur de notre vocation première. La richesse que représentent les déclinaisons est la confirmation d’une initiative qui a commencé à l’échelle des paroisses pour s’étendre à des structures de tailles infiniment variables, depuis les anciennes fondations monastiques jusqu’aux familles. Cette dernière déclinaison, si différente des autres ayant été la création la plus originale. On ne saurait passer sous silence le rôle pionnier des monastères qui par leur structure sont en mesure de répondre positivement à la conversion écologique et nous aider à penser un mode de vie différent, à la fois plus simple et spirituel.
III. L’avenir d’Église verte
Robin Sautter voit la vocation d’Église verte dans l’exemplarité que nous devons apporter dans notre manière de vivre et de prendre soin de la création. Il ne nous faut pas oublier la dimension prophétique, celle d’oser appeler à une plus grande justice, celle d’une audace de parole qui nous fait souvent défaut. A ce prophétisme, il convient d’ajouter de porter l’espérance dans le monde, d’annoncer l’amour de Dieu pour les êtres humains.
Pour Laura Morosini, Église verte est une malle aux trésors, selon la formule de Thérèse d’Avila. La démarche écologique dans l’Église recèle de véritables joyaux d’humanité. Pour certains se sont ouverts à nouveau les chemins de l’église, pour d’autres ce fut un émerveillement de voir émerger quelque chose de nouveau. Église verte permet de tisser des liens entres paroisses et communautés, de créer un véritable mouvement œcuménique tant au niveau local que diocésain. C’est un changement profond auquel nous convie la conversion écologique qui devient pour nous l’occasion d’unir les esprits dans un souci commun de la création.
Pour Elena Lasida, Église verte a vocation à faire émerger de nouvelles manières de faire communauté. La démarche écologique se doit d’être communautaire. Nul ne peut seul répondre à l’éco-diagnostic, il faut travailler ensemble. L’écologie nous permet de tisser des liens nouveaux entre les membres de la communauté. C’est une façon de repenser le fonctionnement de nos institutions, de revoir les modes de gouvernance sous un jour nouveau.
La séance s’est conclue sur une lecture du livre de Job (ch. 38-40) et l’évocation du silence de l’homme devant la Création. Une invitation à contempler l’œuvre divine.
Article rédigé par Ivan Birr, secrétaire général et modérateur de la table ronde