Église verte

Héloïse Gaboriaud, étudiante en géographie, a souhaité étudier les paroisses Église verte pour son mémoire de première année de master. Elle cherchait à comprendre ce qui fait qu’un territoire a une paroisse labellisée ou non. Elle a donc étudié de nombreux facteurs : rural/urbain, âge moyen, niveau de diplôme ou de revenus… Voici le résumé de son mémoire, qu’elle a aussi présenté lors de l’Assemblée des Communautés de mai 2024 et lors du colloque Approches spatiales des liens entre le religieux et l’écologique, à Toulouse juste avant.

Faire de sa paroisse une « église verte » : une initiative communautaire à l’image d’un contexte socio-économique local ?

Héloïse Gaboriaud, Mémoire de 1ère année de Master de Géographie[1], ENS de Lyon

Résumé

Les paroisses labellisées Église verte sont inégalement réparties sur le territoire français. Dans mon travail de mémoire, j’ai essayé d’expliquer cette inégale répartition et d’identifier des zones d’influence du label. Cette étude porte sur une sélection au sein des communautés, pour des raisons méthodologiques (note d’Église verte : càd avoir des données en nombre suffisant et comparables) : elle ne concerne que les communautés de la catégorie « Église/Paroisse », de confession catholique ou protestante, en France métropolitaine. Elle conserve les paroisses qui ont arrêté la démarche mais qui ont un jour choisi de s’engager.

Un label urbain ?

Figure 1

La Figure 1 représente la répartition des paroisses labellisées dans les différents bassins de vie[2]. On remarque que plus de la moitié des paroisses labellisées se trouvent dans un bassin de vie classé « urbain dense ».

Il est intéressant de noter qu’il existe une différence plus importante entre l’urbain dense et l’urbain intermédiaire qu’entre l’urbain intermédiaire et le rural.

On observe par ailleurs que les paroisses protestantes sont dans l’ensemble plus urbaines que les paroisses catholiques, avec une certaine importance de l’urbain
intermédiaire sur le rural.

 

 

 

La répartition des paroisses Église verte en France métropolitaine

Les Figures 2 et 3 ci-dessous représentent le taux de labellisation par département, c’est-à-dire le nombre de paroisses labellisées divisé par le nombre de paroisses totales dans le département (donc de paroisses potentiellement labellisables). Les cartes sont différenciées par confession.

Sur la Figure 2, il est intéressant de noter que le Nord-Ouest de la France, historiquement catholique, fait partie des zones les mieux labellisées.

Sur la Figure 3, on retrouve ce qui était appelé le « croissant réformé » (du Poitou au Dauphiné en passant par le Sud du Massif central), zone d’implantation historique du protestantisme.

Figure 2
Figure 3

Toutefois, la labellisation ne suit pas parfaitement les régions historiques des deux confessions. On peut remarquer par exemple l’importance moindre de la Lorraine sur la Figure 2 et de l’Alsace[3], des Charentes ou du Midi sur la Figure 3, alors qu’on retrouve encore aujourd’hui dans ces régions une forte pratique catholique ou protestante.

Une répartition liée à des paramètres socio-économiques ?

Tableau 1

Le Tableau 1 présente les 15 départements les mieux classés selon cinq critères calculés indépendamment :

  • Taux de labellisation (paroisses labellisées par paroisses labellisables)
  • Paroisses labellisées en fonction du nombre d’habitants en 2020 (INSEE)
  • Revenus des ménages par an en 2021 (INSEE – Filosofi)
  • Part de moins de 29 ans en 2020 (INSEE)
  • Part de cadres et de professions intellectuelles supérieures parmi les actifs en 2020 (INSEE)

Ces résultats ont été classés par couleur en cinq zones (voir légende).

L’objectif de ce tableau est de comparer d’une part la labellisation (colonnes 1 et 2) et d’autre part des paramètres qu’on retrouve souvent corrélés avec une plus grande sensibilité environnementale, à savoir l’âge, le niveau de revenus et la profession ou le niveau de diplôme (colonnes 3, 4, 5). On retrouve ainsi dans les mieux classés pour les trois paramètres socio-économiques étudiés (âge, revenus, profession) des départements situés dans des zones d’influence du label Église verte. Le résultat est particulièrement flagrant pour l’Île-de-France (en violet). Il faut toutefois noter que les départements qui ressortent pour les paramètres socio-économiques (colonnes 3, 4, 5) sont avant tout ceux qui abritent une métropole : Rhône (Lyon), Isère (Grenoble), Ille-et-Vilaine (Rennes), Loire-Atlantique (Nantes), Haute-Garonne (Toulouse), Gironde (Bordeaux). Les autres départements qui ressortent sont pour beaucoup frontaliers (Bas-Rhin, Haut-Rhin, Haute-Savoie, Ain), aux revenus assez logiquement élevés, en particulier pour les frontaliers de la Suisse.

Il ne serait pas très étonnant que des paroisses plus urbaines, en particulier de métropoles, soient potentiellement plus sensibles aux enjeux environnementaux. Les résultats les plus intéressants se situent donc plutôt dans les départements qu’on ne trouve pas dans les paramètres socio-économiques des colonnes 3, 4 et 5 et qui sont pourtant bien labellisés. Par exemple, dans le Nord-Ouest (en bleu), on retrouve dans les meilleurs résultats de labellisation l’Orne, le Finistère et l’Eure-et-Loir, alors qu’on ne les retrouve pas parmi les départements les mieux classés pour l’âge, les revenus ou la profession. On peut imaginer que l’importance de la pratique catholique historique et actuelle a permis à des départements plus ruraux comme l’Orne de connaître une labellisation plus importante, alors même que, on l’a vu, le label est très urbain. En effet, il est possible que les paroissiens y soient plus engagés et plus nombreux, et ainsi plus à même de s’investir dans une démarche Église verte. Le deuxième exemple qui nous interpelle est celui du Sud-Ouest : on retrouve le Tarn, l’Aude et les Landes parmi les départements les mieux labellisés, mais on ne retrouve pas les départements de Toulouse (Haute-Garonne) et Bordeaux (Gironde).

Ce résultat est particulièrement curieux au regard de nos autres résultats, puisque la labellisation est ici plus importante dans des départements plus ruraux, au détriment des départements urbains. Au vu des résultats à l’échelle nationale, peut-être Toulouse et Bordeaux réunissent-elles toutes les conditions pour une croissance future de leur labellisation.

Que devons-nous en conclure ?

Il faut d’abord noter que cette étude est essentiellement quantitative. Il convient ainsi de la nuancer, à plusieurs titres :

  • Elle ne reflète pas toutes les réalités locales[4]. Par exemple, j’ai montré ici qu’avec un regard englobant sur certaines régions ou certains départements, les territoires les mieux labellisés sont aussi les territoires les plus jeunes. Pourtant, les personnes qui s’engagent dans la démarche de labellisation sont souvent des retraités. La nature urbaine du label est probablement à l’origine de ce biais (davantage de population jeune dans les villes en particulier les plus grandes). Il est ainsi faux de conclure que ce sont des paroissiens jeunes qui portent la démarche Église verte. Toutefois, on peut imaginer que dans ces territoires urbains, des paroissiens retraités très actifs qui décident de se lancer dans la démarche peuvent avoir l’appui de davantage de jeunes, par ailleurs plus sensibles aux enjeux environnementaux.

 

  • Elle résulte de choix méthodologiques, qui sont liés à la conjoncture de ce travail de recherche (un premier travail en un temps assez court). Les résultats auraient probablement été différents, auraient montré d’autres nuances si j’avais étudié d’autres paramètres avec des méthodes différentes. J’ai ici choisi de traiter de la France métropolitaine avec des délimitations départementales et en regroupant des départements en « grandes zones ». Ces territoires ne sont pas des entités homogènes et comprennent eux-mêmes des territoires urbains, ruraux, des populations plus ou moins jeunes et aisées.

Ainsi, cette étude pose davantage de questions qu’elle n’apporte de réponses fermes et définitives. Toutefois, elle peut nous interroger sur le degré d’influence que peut avoir un cadre social, économique ou religieux sur l’engagement d’un individu, d’un citoyen, d’un paroissien. Enfin, il pourrait être intéressant de poursuivre cette étude en se penchant plus précisément sur le réseau Église verte. Alors que se pose la question de l’échelle d’action privilégiée pour l’environnement (locale, nationale, internationale), la démarche Église verte nous offre un exemple inédit d’action communautaire, mais aussi inter-communautaire.

Héloïse Gaboriaud


[1] L’objectif d’une approche géographique est d’expliquer des phénomènes de société en étudiant les espaces sur lesquels ils
s’implantent.

[2] Selon l’INSEE, « Les bassins de vie sont définis comme les plus petits territoires au sein desquels les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants ». Chaque bassin de vie est construit autour d’un pôle de services et d’emploi. Il est ensuite classé selon sa densité (dense, intermédiaire, rural). Si un bassin rural est dans la zone d’influence d’une ville (un grand nombre d’actifs de ce bassin rural qui vont travailler dans cette ville), il est classé « rural périurbain ». Exemples : Reims et ses alentours forment un bassin de vie urbain dense, Carcassonne et alentours de densité intermédiaire, Provins du rural périurbain, Bayeux du rural non périurbain.

[3] Même si l’Alsace compte beaucoup de paroisses : cela donne un taux de paroisses labellisées assez faible, alors qu’elle comprend un certain nombre de paroisses Église verte. Note d’Église verte : dans les départements du concordat, on ne peut pas « regrouper » juridiquement de paroisses. Leur nombre reste élevé, quand d’autres diocèses catholiques ont procédé à des regroupements de paroisses. Donner plus fidèlement le pourcentage de paroisses labellisées requerrait quelques recherches supplémentaires.

[4] Pour les saisir davantage, j’aurais pu opter pour une méthode dite « qualitative », en interrogeant des paroissiens engagés.

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